TRIBUNE POUR LES BOURREAUX, SILENCE POUR LES MORTS.

Tandis que les bombes s’abattent, que les civils tombent et que le droit se tait, la scène internationale continue de dérouler ses rituels creux. Les institutions censées protéger les peuples semblent n’exister que pour préserver les équilibres géopolitiques. Dans ce théâtre d’apparences, les bourreaux défilent à la tribune, les victimes disparaissent des radars, et la justice devient un outil de tri entre les morts légitimes et les morts tolérées. Voici l’envers d’un ordre mondial où la neutralité masque la complicité.

Regardez bien cette mécanique honteuse qui maintient l’ordre mondial debout sur une arête de compromissions. D’un côté, une juridiction pénale surgit pour exhiber ses mandats comme on dégainait jadis les lettres de cachet. Elle est rigoureuse, prompte, inflexible, dès lors que la cible est politiquement commode. De l’autre, la même institution, soudain sujette à une prudence étrange, tergiverse, tempère, s’efface. Ce contraste n’est pas une aberration mais bien un système. Il suffit aujourd’hui de comparer l’accès aux tribunes, la vitesse des inculpations, le volume médiatique offert aux uns, étouffé pour les autres. La justice internationale ne pèse pas les crimes, elle évalue les alliances.

La duplicité onusienne ne réside pas dans l’ignorance, mais dans le savoir parfaitement maîtrisé de ce qu’elle ne fera pas. L’ONU connaît les crimes, les violations, les chiffres. Elle les documente, les archive, les traduit dans toutes les langues. Mais elle s’arrête là. Sa force est dans la parole, sa faiblesse dans l’action. Or, cette faiblesse est volontaire. Ce n’est pas l’absence de moyens, c’est l’abondance de calculs. Elle distribue des blâmes symboliques à ceux qui n’ont aucun poids stratégique, mais déroule le tapis rouge aux bourreaux utiles. 

Cette asymétrie n’est pas un accident du multilatéralisme, c’en est la doctrine officieuse. Les droits de l’homme deviennent des arguments à géométrie variable, brandis comme menaces ou étouffés comme embarras, selon l’intérêt du moment.

L’ONU prétend incarner la paix, mais elle protège d’abord l’ordre des puissantes, fût-il injuste, fût-il sanglant. Elle ne pacifie pas, elle temporise. Elle ne défend pas les peuples, elle ménage les rapports de force. Et derrière chaque abstention au Conseil de sécurité, il y a un silence acheté, un veto de connivence et une diplomatie vendue au plus offrant.

Pour certains, les procédures traînent, ajournées jusqu’à l’oubli ; pour d’autres, elles s’abattent avec une célérité chirurgicale. Ce n’est pas la gravité des faits qui détermine le traitement, mais le réseau d’intérêts des alliances militaires, des flux économiques et des poids diplomatiques. Les passes-droits ne sont pas des dérapages mais les coutures apparentes d’un tissu de domination. Ils ne masquent pas la partialité puisqu’ils l’exhibent. 

Ils ont fait de la tribune des Nations Unies un podium pour les bourreaux. Moquette impeccable, pupitre en chêne, drapeaux bien repassés, acoustique parfaite pour un discours sur "le droit à se défendre", pendant que l’autre moitié du monde crie dans le vide. Ce n’est pas une erreur diplomatique, c’est un choix stratégique. Une politique où l’asymétrie est planifiée.

Comment tolérer encore ce théâtre mondialiste où la justice s’applique au doigt mouillé ? Vladimir Poutine, interdit de parole à l’ONU au nom d’un mandat dont la validité est jugée par les médias avant les tribunaux. Alors que Benjamin Netanyahou, poursuivi lui aussi par la même Cour, est invité à s’exprimer sans entrave devant l’Assemblée générale, sous les caméras, en pleine légalité apparente et alors même qu’il orchestre, en temps réel, l’anéantissement programmé d’une population entière. 

Gaza, ce nom désormais synonyme de supplice, hurle sous les bombes avec des enfants déchiquetés, des hôpitaux rasés, des civils pris au piège dans un piège méthodiquement refermé. Et pendant ce carnage, aucune armée ne se déploie pour assurer la moindre protection. Rien. Pas un casque bleu, pas un drone humanitaire, pas une zone d’exclusion. Silence et lumière crue sur les ruines.

L’urgence de ce monde n’est pas morale, elle est structurelle. Elle appelle une action immédiate. Pas des vœux pieux, pas des communiqués. Une coalition de forces, des corridors sécurisés, une pression militaire réelle pour contenir la violence. Ce qui manque n’est pas le droit puisque les textes existent. Ce qui manque, c’est le courage de les appliquer quand l’agresseur est protégé. Et face à cette lâcheté, la véritable question qui s’impose est de savoir qui tient réellement les rênes de cette impuissance organisée ? À quel point les réseaux d’influence israéliens ont-ils colonisé la parole onusienne, domestiqué la diplomatie américaine, neutralisé toute velléité d’action ?

Car le vrai pouvoir des Nations Unies ne réside pas dans les résolutions, trop souvent ignorées, ni dans les votes, souvent biaisés, ni même dans les missions sur le terrain. Il est ailleurs. Il se niche dans la capacité idéologique de l’ONU à conférer une légitimité. À décider, sans dire qu’elle le fait, qui est dans le camp du Bien, qui est pardonnable, qui est monstrueux. Ce n’est pas une organisation de paix. C’est une fabrique de récits. Une entreprise de certification morale au service des puissants. Elle n’apaise pas les conflits mais en justifie les asymétries.

Chaque crime commis au nom de la sécurité est traduit, maquillé, poli. Une école bombardée devient une "bavure". Un blocus, une "mesure préventive". Un massacre, une "opération ciblée". Ce n’est pas le droit qui est mobilisé, c’est le lexique. L’ONU ne condamne pas, elle reformule. Elle absorbe l’horreur et la restitue dans une langue neutre, clinique, moralement stérile. Et dans cette asepsie du vocabulaire, les corps disparaissent, les pleurs s’effacent, le sang ne tache plus les dossiers.

Pendant que les experts dissertent sur les subtilités juridiques, la mort opère. Les faits sont simples avec une population piégée, des infrastructures vitales anéanties et une humanité réduite à l’état de cendre. Les chiffres annonçant des milliers de morts et des millions d’exilés, deviennent des paramètres statistiques, accompagnés de qualificatifs mensongers comme "dommages collatéraux", " massacres inévitables", "invasions maîtrisés". Ainsi, leur vocabulaire administratif transforme l’atrocité en ligne comptable. Et voici le comble de l’abjection puisqu’on peut effacer un peuple, suspendre l’aide humanitaire, interdire l’accès aux journalistes et pourtant continuer à proclamer, sans trembler, son attachement aux valeurs « universelles ».

Pourquoi personne n’intervient ? On évoque la prudence géopolitique, les risques d’embrasement, l’instabilité régionale. Mais ces justifications, mille fois répétées, ne sont que des écrans de fumée. La vérité est nettement plus crue parce que les États n’agissent que lorsqu’ils ont intérêt à le faire. Car dans cette mascarade, un pays qui vend des technologies, fournit un relais militaire, détient des leviers d’influence, devient intouchable. Le droit cède devant le marché de la guerre et le sang des innocents pèse moins lourd que les contrats.

Les institutions internationales ne sont pas neutres. Elles sont traversées de courants, d’alliances, de compromissions. L’ONU, l’OMS, l’UNESCO, le FMI sont autant de noms glorieux qui dissimulent des dynamiques opaques et résolument plus mercantiles qu’humanitaires. Résolutions, rapports, sommets sont autant de documents pour masquer l’inaction. On parle, on rédige, on compile des milliers d’heures de débats pour donner le change. Mais l’absence d’actes concrets transforme ces parades en complicité feutrée.

Le rôle des puissances privées, des fondations, des lobbys n’est plus accessoire, il est structurant. Ils façonnent les agendas, financent les relais et contrôlent les récits. Ils n’ont pas besoin d’un complot puisque tout est public, proclamé et filmé. Il suffit d’un enchevêtrement d’intérêts bien entretenus, d’un système d’alliances où les crimes deviennent secondaires face aux bénéfices et de leurs relais médiatiques subventionnés qui sont autant d’organes de propagande. 

Et pourtant, une autre voie est possible puisque les outils juridiques existent. Les mécanismes internationaux sont là pour assurer normalement la protection des civils, des sanctions ciblées et la mise en demeure d’un État criminel. Il suffirait simplement d’une volonté commune, d’un basculement du rapport de force pour changer ce monde dévoyé par la corruption en un havre de véritable collaboration. Mais cela n’arrivera pas tant que les vies sacrifiées coûteront moins, politiquement, que le statu quo. Et surtout que la guerre rapportera plus que la paix ! On ne manque pas d’outils. On manque de volonté.

Et que reste-t-il à ceux qui, chaque matin, apprennent que leurs proches ont été pulvérisés dans leur sommeil ? Rien, sinon un accablement sans fond. Ils enterrent leurs morts pendant que les chancelleries s'échangent des communiqués vides. Ils sont doublement victimes. D’abord de la violence brutale qui les frappe, puis du silence assourdissant d’un monde qui regarde ailleurs. Leurs cris se perdent dans le brouhaha d’un Occident saturé de distractions. Leur espoir a été confié à des institutions internationales qui ne font que comptabiliser les cadavres. Elles sont complices par inertie et lâches par confort diplomatique. Leur indignation, elle, s’étiole dans le vacarme stérile des chaînes d’info, recyclée jusqu’à l’écœurement dans des débats sans courage.

Face à cela, il n’y a qu’une seule réponse valable et elle réside dans les actes. Pas dans les promesses qui n’engagent que ceux qui écoutent. Il nous faut de véritables enquêtes indépendantes, des levées de fonds substantielles et une pression publique continue, méthodique, implacable. Rien ne changera tant que les gouvernements n’auront pas face à eux une force qu’ils ne peuvent plus ignorer. C’est à dire une opinion publique debout, organisée, bruyante, déterminée à faire vaciller les certitudes diplomatiques et les équilibres cyniques. À la fin, il restera cette image détestable de l’ONU avec d’un côté, un orateur aux mains pleines de sang, salué par ses pairs ; de l’autre, un champ de ruines, sans nom, sans voix et sans secours. Entre les deux, il ne réside qu’une armée de mots, de rapports, de prétextes, qui masquent les crimes derrière le masque de la neutralité.

Tant que le droit international ne s’appliquera qu’aux vaincus, tant que les puissants pourront piétiner les principes qu’ils brandissent à la tribune, la justice ne sera qu’un simulacre. Une scène creuse où l’on joue à défendre l’universel tout en enterrant les victimes à la hâte. Et nous, les vivants, devenons malgré nous les fossoyeurs dociles des morts, pas par malveillance, mais par habitude, par fatigue, par contamination morale.

Ceux qui ont rendu cela possible par leur silence, leur diplomatie de l’ambiguïté, leur commerce de la honte, ne réclameront jamais un retour à une humanité gouvernée par un droit égal pour tous. Ils se dédouaneront en chœur en disant : « C’était complexe », « Il fallait ménager les équilibres », « Le contexte ne s’y prêtait pas… ». Alors que ce n’était pas de la prudence, c’était un choix. Froid, lucide et surtout cynique. Un calcul stratégique où certaines vies ne valent tout simplement rien. 

Et nous ? Nous regardons. Nous écoutons. Nous scrollons. Nous compatissons, parfois. Mais nous agissons peu. Parce qu’on ne sait pas comment. Ou parce que, au fond, ce n’est pas "notre" guerre. Cette distance, c’est aussi ce qui nourrit l’impunité.

Ce monde n’est pas en crise morale puisqu’il a tranché. Il a simplement choisi l’impunité des forts, en toute connaissance de cause.

Phil BROQ.

Blog de l'éveillé




Commentaires

  1. Mon Cher Phil, votre billet est tout simplement le reflet exact, au millimètre près, de notre société individualiste ou les intérêts de quelque uns priment sur l'intérêt de l'humanité. C'est effroyable ! En fait, nous sommes tous coupable et l'effondrement semble inévitable.

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  2. La matrice dernière de l'occident, dans sa prosaïque modernité, désormais parfaitement désenchantée, c'est, à l'épreuve des faits et de l'Histoire, le paradigme le plus sec et le plus abrupt de l'Utilité.
    Le doute n'est plus permis pour ceux qui font l'effort, fut-il gratuit ou purement spéculatif, de justement douter au delà de la sémantique diplomatique parfaitement verrouillée des discours officiels.
    Mais, là encore, cela donne lieu à un affrontement, tant dissymétrique qu'asymétrique, entre les consciences morales sans but lucratif et les "carrières" prudemment (auto)embastillées dans les enceintes des très officielles institutions.
    C'est là un enjeu majeur de notre temps, lequel efface ou dénature toute notion de bien commun et entretient, par la "professionnalisation" du seul discours ayant seul droit au chapitre, l'illusion de grands principes aux contours des plus flous (droits de l'homme, état de droit, démocratie, droit à se défendre ...), lesquels tiennent lieu en réalité d'écrans rhétoriques univoquement manipulés par des "assis" arbitrairement "autorisés" d'une légitimité ainsi auto-proclamée de titres continûment galvaudés, du seul fait de la seule puissance de la brutale domination.
    La forgerie des discours, ou l'imperium de l'imprimatur, réelle et ultime ligne de front, tant permanente que subreptice ...
    Bien à vous




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