MIEUX VAUT GUÉRIR POUR VIBRER, QU'ÉCRIRE POUR RÉSISTER
Il arrive un moment rare, lucide, brutal où l’on comprend que l’on ne construit plus rien avec les ruines. Que dire à un monde qui ne veut plus entendre, c’est labourer le désert. Que donner de l’intelligence à une époque qui la méprise, c’est jeter des perles dans l’abîme. Ce moment-là, je l’ai atteint. Il ne s’agit pas d’un cri de colère, mais d’un constat glacial. Nous vivons une ère d’effondrement tranquille, où le dérisoire a supplanté l’essentiel, où la profondeur fait peur et où la lucidité isole. Longtemps, j’ai cru qu’écrire pouvait encore réveiller, éclairer, relier. Aujourd’hui, j’en doute... Pas parce que le verbe a perdu sa puissance, mais parce que les esprits se sont refermés. Ce texte est donc un adieu à un ancien combat, celui des idées, et le début d’un autre cheminement personnel avec celui de la transmission sensible, de la guérison, de la présence. Car lorsque le verbe ne suffit plus à soulever les consciences, il faut apprendre à parler autrement, à travers les mains, les silences, l’énergie. Ce qui suit est le récit de cette mue.
Il fut un temps, pas si lointain pourtant, où écrire avait un sens. Où aligner des mots n'était pas seulement une catharsis intime, mais un acte de résistance, une tentative acharnée de rallumer des consciences anesthésiées. Ce temps est révolu. Écrire aujourd’hui revient à souffler sur des braises noyées sous la pluie d’un monde qui n’écoute plus rien d’autre que le brouhaha de ses propres distractions. On ne lit plus, on scrolle. On ne pense plus, on réagit. Et surtout, on ne cherche plus à comprendre le monde, on le fuit à coups de contenus futiles et d’écrans hypnotiques.
Même les médias dits "alternatifs", que l’on croyait porteurs d’un souffle nouveau, ont pour beaucoup trahi leur promesse initiale. Loin d’éduquer, d’informer en profondeur ou d’éveiller les consciences, ils se sont engouffrés dans la même logique toxique que les grands médias en ne cherchant que du buzz, du choc, du scoop à tout prix. Ils singent le spectacle qu’ils prétendaient combattre, recyclent les indignations faciles, simplifient les réalités complexes en narrations binaires et tapageuses. L’exigence intellectuelle a cédé sa place à l’urgence du clic. Le contenu est devenu flux, l’analyse, opinion, et la vérité, une variable d’ajustement selon l’audimat. La forme change, mais le fond reste prisonnier de la même addiction au bruit. Ils ne réveillent plus, ils alimentent la confusion. Ils ne libèrent plus, ils captivent autrement. Ainsi, même les refuges supposés de la pensée deviennent des vitrines, et les alternatives, des miroirs déformants d’un système qu’ils nourrissent malgré eux.
Quant aux auteurs indépendants, ils écrivent désormais dans le vide, comme des prédicateurs dans une église désertée. Leurs textes tombent dans un silence numérique, sans écho, sans impact, ensevelis sous des torrents d’images futiles et de contenus prémâchés. Leur parole ne touche plus que des cercles confidentiels, fidèles mais épuisés, eux-mêmes de plus en plus lassés d’être lucides dans un monde qui a fait de la vérité un objet de moquerie. Ces lecteurs-là lisent encore, pensent encore, mais avec une fatigue tenace, celle des derniers éveillés dans une salle de cinéma où tout le monde dort. L’intelligence, aujourd’hui est suspecte, elle dérange, elle complique, elle n’est pas rentable. La culture est devenue un luxe inutile pour une société ivre d’immédiateté. L’esprit critique est perçu comme une provocation mal vue, un risque de bannissement social. Ainsi, les auteurs indépendants comme moi continuent d’écrire par nécessité intérieure, comme on prie seul dans le vent. Non pour convaincre, mais pour ne pas trahir ce qu’ils sont. Mais même cette fidélité devient, à terme une douleur, car il n'est rien de pire que de parler en sachant que personne n’écoute vraiment. Et peut-être est-ce là le plus cruel dans tout cela ! Non pas l’opposition, mais l’indifférence.
En France, le pays des Lumières est désormais plongé dans une nuit sans fin. Une nuit douce, tiède, anesthésiante. Le peuple, autrefois révolté, n’est plus que l’ombre d’une légende révolutionnaire. Il grogne, oui, parfois. Mais il ne mord plus. Il consomme. Il rumine. Il attend que ça passe. On ne se soulève plus, on se divertit. Et pendant ce temps, une transformation radicale de la société s’opère. Silencieuse pour ceux qui dorment, évidente pour ceux qui restent éveillés. Une recomposition démographique, culturelle, identitaire, que seuls les aveugles volontaires refusent de nommer. Mais que peut un bon mot face à une marée humaine ? Que peut un livre face à un algorithme ?
Le peuple, jadis torrent impétueux, s’est mué en marécage stagnant. Il regarde s’effondrer les piliers de sa civilisation avec une mollesse consternante, comme s’il assistait à un spectacle dont l’issue ne le concernait plus. L’indignation s’est éteinte, remplacée par une résignation feutrée, un confort pavlovien qui préfère Netflix à la lutte, le commentaire stérile à l’action concrète. Même la misère, devenue spectacle elle aussi, ne suscite plus qu’un haussement d’épaules. Les chaînes ne sont plus de fer, mais d’écran et de distraction mais elles n’en sont pas moins solides. L’apathie n’est pas une simple fatigue, c’est une forme achevée d’esclavage volontaire. Et c’est peut-être là le plus grand triomphe de ceux qui tirent les ficelles, d'avoir transformé un peuple libre en public passif, et les héritiers de la Révolution en abonnés mensuels du néant.
Pourtant, la vie est courte et bien plus qu’on ne le croit tant qu’on se croit éternel. Et aussi noble, généreuse ou altruiste soit-elle, elle ne règle pas les dettes qu’elle accumule. Pas seulement celles du loyer ou des taxes, que l’on paie en monnaie sonnante pour continuer à exister dans une société marchande, mais celles plus sourdes, plus impitoyables, qu’aucune banque ne finance et qu’aucune excuse ne rembourse. Car viendra le jour, inévitable et sans appel, où chacun devra répondre à cette question brutale : "Qu’as-tu fait de ta vie ?" Non pas ce que tu as tenté, espéré ou cru faire, mais ce que tu as réellement incarné, construit, transmis. Et l’altruisme, aussi pur soit-il, n’est pas une réponse en soi s’il ne laisse aucune trace, s’il ne sauve rien ni personne, s’il ne fait que nourrir un système qui broie même les plus sincères. Il ne suffit pas d’avoir été bon pour être en paix. Il faut aussi avoir été juste avec soi-même - et parfois, cela signifie quitter les luttes stériles, pour vivre enfin selon sa propre vérité, non celle que le monde attend.
Ce combat est perdu d’avance, non faute de convictions, mais parce qu’il se déroule sur un champ de ruines morales, miné par l’indifférence, la soumission consentie et la succession lâche de renoncements collectifs. J’ai choisi d’en sortir, mais non par fuite, mais par transmutation. Ce n’est pas une reddition, c’est une mue. Je dépose les armes de la parole, non par lassitude, mais par lucidité, car quand l’esprit n’a plus d’écho, il faut se tourner vers ce qui vibre encore. Puisque la société ne veut plus écouter, je me consacre désormais à ceux qui veulent ressentir. Là où les mots échouent, peut-être que les mains, elles, peuvent encore réparer. Là où le langage n’ouvre plus aucune porte, l’énergie, elle, circule sans demander la permission.
Je choisis donc une autre voie. Une voie plus ancienne, plus silencieuse, mais infiniment plus vivante. Celle du soin, du toucher, de l’attention portée au souffle, à la vibration, à l’invisible. Là où l’ego s’épuise à convaincre, le cœur apprend à transmettre. Le magnétisme, les pratiques énergétiques et les savoirs ancestraux n’ont pas besoin d’être prêchés, ils s’éprouvent, ils guérissent et parfois sans un mot. C’est un retour au réel, non celui des chiffres et des écrans, mais celui du vivant, du corps souffrant, de l’âme errante, de l’humain qui cherche encore, dans un monde qui ne propose plus rien d’autre que le bruit et la vitesse. J’y trouve une justesse que je n’ai plus rencontrée dans les débats ou les livres avec une paix intérieure sans performance, une efficacité sans spectacle. C’est là, désormais, que je mets mon énergie. Non pour changer le monde, mais pour soutenir ce qui en reste d’humain.
L’art de la guérison, ancestral et profond, me révèle une voie plus juste, plus incarnée, à l’écart du vacarme collectif. Par le magnétisme, par ces médecines que le temps n’a pas effacées mais que la modernité a méprisées, je choisis désormais de m’adresser à ce qui peut encore être touché par mes capacités. C'est à dire les âmes singulières, les corps oubliés, les cœurs silencieux. Loin de la masse, loin du tumulte, j’œuvre là où quelque chose palpite encore. Car là où les mots se brisent sur des murailles d’indifférence, l’énergie, elle, circule sans bruit, traverse les résistances, réveille les forces enfouies. Ce que la société étouffe, je tente de le raviver, non plus avec des discours, mais avec des gestes, des présences, une écoute que rien ne vient monnayer.
Bien que je me retire progressivement des batailles littéraires, mes livres restent disponibles sur TheBookEdition.com pour ceux qui souhaitent encore plonger dans ces réflexions, ces mots que j’ai écrits à un moment où l’espoir d’un changement par l’écrit semblait possible. Toutefois, ce blog deviendra désormais plus sporadique, un espace de partage moins fréquent, car la réalité des soins, du toucher, de la guérison, me semble infiniment plus satisfaisante que l’utopie des mots. Là où le verbe échouait à transformer, l’énergie, elle, fait naître des transformations palpables. Le monde des idées, aussi noble soit-il, laisse place aujourd’hui à un monde plus immédiat, plus réel, plus vivant. C’est là que je trouve désormais ma voie, et c’est là que je déploierai mon énergie, loin des écrans et des illusions. Toutefois, pour ceux qui continueront à me suivre dans cette évolution, sachez qu’il y aura toujours un espace pour l’échange, pour l’écoute, et pourquoi pas, pour une vibration commune. La porte reste ouverte, mais elle mène désormais ailleurs.
Je renonce donc à écrire pour convaincre, expliquer ou alerter, à frapper les murs de l’indifférence avec des mots devenus muets. À la place, je choisis de vibrer pour transformer, non plus dans le fracas des idées, mais dans la résonance subtile de l’être. Ce n’est plus de persuasion dont le monde a besoin, mais de présence. De cette vibration silencieuse qui touche là où le langage échoue. Ce n’est plus une œuvre de mots mais un travail d’âme.
Phil BROQ.
Zut alors! Pourtant depuis que je suis ce blog, j'ai appris pas mal, révisé mes approches, corrigé mes points de vue, connecté des pensées non connexes, élargi
RépondreSupprimerle champ de mon regard et même souvent repris espoir en les chances de l'intelligence. Je commençais à me dire, lisant hier le billet sur les bulles informationnelles (qui sera repris le 6 sur profession-gendarme), que tout n'est pas perdu, qu'une lueur vacille encore ici et là. Serais je naïf?
Bien vu!
RépondreSupprimerC'est un signe de basculement personnel et vibratoire, merci pour ce témoignage dans lequel je me retrouve. L'effondrement final est palpable et avec nos certitudes matricielles. Le lâcher prise devient une évidence.
RépondreSupprimer"Guérir pour vibrer", un rendez-vous du silence avec la puissance, une joie intime pressentie et ressentie par l'ardente énergie des deux grands surhumains fatigués de leur temps qu'étaient Nietzsche et Schopenhauer.
RépondreSupprimerJoie désenbuée du Logos, nue de toute illusion morale, délestée de toute prétention, d'aucune édification.
L'accès au soi, toujours déjà là, l'accès au soin, sans chercher si loin, au plus près du carpe de la main.
Eminente immanence, seule vraie permanence, elle nous tient, nous maintient, et, à tous égards, nous contient ...
Rétablir l'harmonie c'est immanquablement "panser" l'unité de l'être, quand celle-ci a pu être aspirée par les affres chaotiques et velléitaires, jusqu'à en être vains, du "penser". L'Iliade après l'Odyssée, comme Ithaque est dans le chemin pour Ithaque. Heureux qui comme Ulysse ...
RépondreSupprimer