DE LA PROPAGANDE D’ÉTAT A LA DISSIDENCE SOUS ALGORITHME
L’information, par définition, est un phénomène complexe et dynamique qui a pour but d’éclairer le public, d’élargir sa compréhension des événements, de lui offrir un éventail de perspectives afin qu’il puisse se forger une opinion fondée sur des faits divers et variés. Elle ne se contente pas de relater des événements, mais cherche aussi à les contextualiser, à en explorer les causes et les conséquences. Une information véritablement indépendante, rigoureuse et diversifiée, offre aux individus un cadre pour interroger la réalité, naviguer dans la complexité du monde moderne et exercer leur jugement de manière éclairée.
À l’opposé, la propagande est une manipulation délibérée de l’information dans le but de façonner les opinions et comportements d’un groupe cible. Elle repose sur la sélection biaisée des faits, leur présentation sous un angle unilatéral, et l’évitement systématique de toute contradiction. L’objectif n’est pas de nourrir la réflexion, mais de soumettre les individus à une vision idéologique, de créer un consensus artificiel et de maintenir une forme de contrôle sur les masses. Là où l’information cherche à ouvrir l’esprit, la propagande cherche à le fermer. Dans ce contexte, les soi-disant sites de "réinformation" viennent se poser en alternative à ces deux extrêmes. Mais qu’en est-il réellement ?
D’un carcan à l’autre, les individus, loin de s’émanciper, se retrouvent finalement enfermés dans une bulle qui, si elle semble s’opposer à celle des médias traditionnels, n’en est pas moins un piège. En l'absence d'une réelle pluralité, ces plateformes, loin de permettre une compréhension plus vaste du monde, finissent par reproduire le même enfermement, la même uniformité d’opinion, la même fragmentation de l’information. La prétendue dissidence se mue alors en une nouvelle forme de propagande, tout aussi réductrice, polarisante et dénuée de perspectives. Par l’absence d’un débat authentique, ces espaces contribuent à renforcer les parois de la bulle, enfermement encore plus insidieux, car vendu sous le masque de la "révélation", et sans jamais offrir un vrai terrain pour la pensée critique, le doute constructif ou la diversité des idées.
Mais ce que ces sites autoproclamés "dissidents" ont de plus dérangeant, ce n’est pas tant leur prétention à réveiller les masses, que leur capacité insidieuse à les rendormir - mieux, à les bercer d’illusions formatées dans un moule à peine moins gras que celui des journaux subventionnés qu’ils vomissent, avec l’entrain d’un alcoolique repenti devenu croisé de la tempérance. Et derrière leurs airs de résistants numériques, ils ne sont, en vérité, que les clones hargneux des médias de masse, le vernis de la marginalité en plus, le pluralisme en moins. L’enrobage est différent, certes, puisque là où les chaînes officielles parlent le langage clinique de la neutralité creuse, les sites de "réinformation" hurlent leurs certitudes dans un savoir hystérisé, persuadés que l’outrance vaut preuve. Leurs titres sont souvent des cris racoleurs de marché, tels des slogans de foire, toujours scandalisés et toujours définitifs. Le doute, ce fondement même de la pensée critique, y est banni comme un hérétique lors d’une messe inquisitoriale.
Le pluralisme qu’ils revendiquent est un travesti grotesque car c’est une chambre d’écho où ne résonne qu’une seule voix, celle de leur propre foi. Ils ne diffusent pas l’information, ils la manipulent en la passant au crible de leur catéchisme. Par ailleurs, leurs sources sont très souvent les mêmes que celles qu’ils prétendent dénoncer, à savoir l'AFP, Reuters, Bloomberg et parfois même des publications scientifiques qu’ils comprennent comme un astrologue décrypterait un manuel de thermodynamique. Et leurs lecteurs, gavés à la louche de contenus clonés, recyclés, martelés, finissent par confondre radicalité avec lucidité, opposition avec vérité.
Le drame, c’est que tout cela se fait sous le masque de l’émancipation. On y parle d’ouvrir les yeux, mais pour mieux les recouvrir d’un bandeau aux couleurs nouvelles. Les outils sont modernes, les plateformes clinquantes, mais l’ambition intellectuelle, elle, reste au ras du caniveau avec une logique de clan, de fidélité aveugle, d’adhésion sans nuance. Et malheur à celui qui questionne, qui doute, qui ose suggérer qu’il pourrait exister un monde hors du récit convenu car il sera promptement expulsé, taxé de collabo, d'opposition contrôlée, ou même de naïf.
Et pendant ce temps, on réclame l’écu. Un pouce bleu par-ci, un don mensuel par-là, comme si la révolte devait s’acheter à l’unité, à l’image d’une box internet. Mais l’on n’achète rien d’autre que l’illusion d’être libre, de comprendre, de résister. Cette dissidence en carton-pâte, ces rebelles de salon, ces éditorialistes en jogging devant leur webcam ne libèrent personne. Ils enrôlent, enrégimentent, enferment. Dans un monde où tout le monde ment, ils ont choisi de hurler plus fort, mais pas forcement mieux. La vérité des faits semble là aussi trop complexe. L’analyse rigoureuse est visiblement trop longue - à l'instar de mes textes, que les habitués aux 240 caractères de Twitter/X n'arrivent pas digérer. Pour eux, mieux vaut un titre choc, une vidéo "short", une indignation servie chaude de préférence et un narratif à avaler sans mâcher. Car l’objectif n’est surement pas d’éveiller mais de capturer l’attention, de fidéliser, de domestiquer. Or, une cage reste une cage, fût-elle peinte aux couleurs de la "liberté".
Ce tableau serait incomplet sans évoquer cette lutte larvée, presque pitoyable, qui se joue en coulisses. Parce qu'en plus de cela, ces sites dits de "réinformation" se jalousent tous avec la férocité de chats de gouttière se disputant une maigre souris. Chacun exhibe sa prétendue supériorité, son angle plus percutant, sa dénonciation plus tranchante, sans jamais s’unir pour offrir autre chose qu’un brouillard épais de constats à l’emporte-pièce. Jamais une once de lumière, de beauté ou de vraie vision d’un monde possible (sauf pour TVADP, Geopolintel et GPTV, selon moi...), juste l’écho amère d’une mécanique implacable, celle des mondialistes qu’ils prétendent combattre. Chaque page devient un ring où s’échangent des commentaires de plus en plus agressifs, des invectives qui dérapent en pugilats verbaux. Le paradoxe est cruel et des individus venus chercher ici un lieu d’expression, un espace de réflexion, se retrouvent piégés dans une arène où le dialogue est un leurre, et la rencontre, une guerre. Ces Tchats ne servent pas à rassembler, mais à fracturer encore davantage un public qui, au fond, partage des frustrations communes, mais manque cruellement d’un projet commun, d’une parole capable de transcender le simple rejet.
À l’image des partis souverainistes français, ces sites révèlent leur véritable impuissance. Ils ne savent ni fédérer ni éduquer. Ils égrènent leurs certitudes comme autant de slogans électoraux, mais échouent lamentablement à bâtir un véritable rassemblement, à tisser un lien durable avec leurs auditoires. L’incohérence règne, l’éparpillement triomphe, et le seul horizon qu’ils offrent est celui d’un isolement plus profond, d’une communauté fracturée, prisonnière de ses propres démons. Au final, tout ce cirque ne fait que renforcer la dépendance à un modèle qu’ils dénoncent tout en le reproduisant, car l’information est manipulée, fragmentée, réduite à un spectacle amer où la vérité cède le pas à l’affrontement stérile. Ils promettent la rébellion, livrent la servitude, et enferment leurs lecteurs et auditeurs dans une cage dorée, plus insidieuse que toutes celles des médias officiels.
Évidemment, qu’on ne s’y trompe pas, je n’ai ni la prétention d’être détenteur d’une vérité supérieure, ni celle d’incarner un quelconque pluralisme éclairé. Je ne suis qu’un auteur indépendant, sans étiquette, sans patron, sans mandat autre que celui que je m’accorde moi-même : celui de dire ce que je vois, ce que je pense, ce que je suis. Ce que j’écris n’a pas vocation à convaincre, encore moins à rallier ; c’est un témoignage, un prisme, une dissection subjective du monde qui m’entoure… Et qui m’aime me suive. Mieux, qui veut encore de mon discours, me soutienne en achetant mes livres, car je ne vends pas du temps, mais du savoir, de la connaissance et de la liberté de ton, dans un langage vrai.
Pourtant, il m’est impossible de ne pas remarquer que certains sites dits "alternatifs" reprennent régulièrement mes textes, mes billets, mes analyses (toujours gratuitement, toujours sans échange), alors qu’ils vivent grassement de dons, de mécénats déguisés, de "Tipeee" et autres monétisations dégoulinantes de vertu feinte. Et qu’on ne vienne pas me dire qu’ils me citent pour faire vivre une pluralité de voix dans leur galaxie de l’information contestataire, puisque c’est souvent tout l’inverse. Ils m’absorbent, m’intègrent, me digèrent pour mieux m’inclure dans une fausse dissidence estampillée "anti-mondialiste", comme si cela suffisait à valider une démarche. Mais je ne suis ni dissident, ni lanceur d’alerte, ni complotiste. Je suis un "constatiste". Certes je me dis "souverainiste", mais uniquement de ma propre personne, et donc évidemment anti-mondialiste. J’observe, je décris, j’analyse, avec l’humilité de celui qui doute, qui cherche, qui refuse les étiquettes comme les chapelles. Ce que je produis ici n’est pas un drapeau à brandir, mais plutôt un miroir à regarder. Libre à chacun d’en détourner les reflets, mais qu’on ne vienne pas y coller une bannière ou une ligne éditoriale. Je ne suis pas là pour servir un récit, encore moins pour valider une posture. Je suis là pour voir, pour dire ce que je vois et laisser une trace écrite de cette période par mes ouvrages.
C'est dans cet esprit que je vous dis, chers amis lecteurs, que la "réinformation" est devenue un produit comme les autres finalement. Une marchandise qui doit séduire, attirer le chaland et le garder jusqu'à ce qu'il ait craché sa contribution. C'est devenu un business comme un autre, avec ses codes, ses icônes, ses tunnels de vente déguisée en plaidoyers pour la liberté. Derrière les logos criards et les intro martiales, ce ne sont plus des journalistes, ni même des militants, ce sont eux aussi des vendeurs de peur. Chaque événement devient un prétexte à alarmer, chaque vidéo une vitrine où l’on exhibe l’effroi comme un étendard. Et toujours, à la fin, vient le panier virtuel du "Faites un don !", "Soutenez-nous pour la vérité !", "Abonnez-vous, mettez un pouce et faites un commentaire !" (pour que Youtube, qu'ils haïssent tant, les rémunère quand même)... On y vend de l’indignation au "kilo/vidéo", empaquetée dans des vignettes YouTube racoleuses et des e-mails lacrymaux. La dissidence, devenue produit d’appel, a troqué la profondeur contre le rendement.
Car tout est affaire de vitesse. Le buzz avant la vérification, le scandale avant l’analyse. Ces sites ont troqué la rigueur contre l’urgence perpétuelle. Ils ne traitent pas l’information, ils la consomment. Ils ne construisent rien, ils réagissent en permanence. Et toujours à l’unisson. Qu’il s’agisse d’un fait divers ou d’un débat sociétal, ils se jettent dessus avec la grâce d’un troupeau de hyènes. Pas de recul, pas de complexité, juste du contenu à régurgiter pour nourrir l’algorithme. Ce n’est pas de l’analyse, c’est de la réaction hormonale, de la pulsion éditoriale. Une course à qui sera le plus outré, le plus percutant, le plus regardé. Et tant pis si le sujet mérite un examen sérieux. Le clic d’abord, le sens après.
Mais, il faut aussi le rappeler, tant cela semble désormais oublié, que le savoir ne se consomme pas comme une série Netflix. Il ne se livre pas en vidéo de quinze minutes bardée d’effets sonores, d’images choc et de musiques anxiogènes. Le savoir ne s’absorbe pas à coups de "regarde cette vidéo, tu vas tout comprendre", comme s’il suffisait de cliquer pour être éclairé. Le savoir, le vrai, celui qui structure l’esprit, forge le discernement, et ouvre les perspectives, se construit dans la lenteur, dans l’effort, dans la confrontation rigoureuse avec des textes. Il se trouve dans les livres, pas ceux qu’on cite en survolant la fiche de lecture Wikipedia, mais ceux qu’on étudie, qu’on annote, qu’on relit, ceux qui résistent, qui nous mettent en difficulté. Là est la véritable émancipation intellectuelle, dans l’étude, pas dans le zapping. Mais dans un monde où l’attention s’effrite et où l’émotion fait loi, les vidéos deviennent la norme et les livres, une relique. Le savoir devient spectacle, l’analyse devient narration, et la pensée devient produit. On regarde pour croire, au lieu de lire pour comprendre. C’est plus confortable, certes, mais c’est aussi ce qui nous perd.
Et le vrai drame, c’est qu’en prétendant combattre la désinformation, ces sites deviennent également les relais zélés de la "complosphère". A force de vouloir tout expliquer, ils finissent par tout confondre. Et à chaque fois qu’un fait vient contredire leur récit, il est aussitôt rejeté comme manipulation, comme preuve supplémentaire de la conspiration. Ce fonctionnement en boucle fermée annihile toute forme de pensée critique. Le doute raisonnable devient trahison. L'esprit d'analyse est remplacé par la foi inébranlable dans le contre-discours, même quand il est bancal, mal sourcé ou tout simplement faux. L’excès de méfiance finit par produire une crédulité paradoxale et on ne croit plus en rien... sauf ce que l’on veut croire.
Et pourtant, quelle ironie ! Ces sites qui se targuent d’être les derniers bastions de la "liberté d’expression" pratiquent une censure féroce... mais subtile. Ils ne suppriment pas toujours les articles divergents mais ils les enterrent, les ignorent, les noient dans la masse. Les contradicteurs sont qualifiés de trolls, d’agents infiltrés, d’idiots utiles du système. Certes, ils pullulent sur le net et sont souvent des "bots" du pouvoir (tels des robots tant ils sont incapables d'avoir une pensée constructive ; ils ne sont là que pour critiquer et jamais rien apporter). Et si les réinformateurs veulent le débat, c'est seulement entre personnes du même avis. Cette hypocrisie est le ciment de leur tribalisme. La pluralité n’est plus une richesse, c’est une menace à neutraliser. On parle entre soi, on se renforce entre convaincus, on se caresse dans le sens de la colère, et on exclut tout ce qui pourrait ressembler à une pensée dissonante. Mais plus jamais on argumente, posément, intelligemment, avec courtoisie et politesse.
Il ne faut pas oublier non plus le fond idéologique, ce terreau identitaire sur lequel prospère cette réinformation frelatée. Les narratifs sont souvent nourris de nostalgie fétide, de peur de l’autre, d’un désir morbide de revenir à un âge d’or fantasmé - que d'ailleurs personne n'a jamais connu - où "les choses étaient simples". Ce qu’ils appellent vision est un repli. Ce qu’ils appellent le réveil est devenu une sidération haineuse. Et leurs lecteurs/auditeurs, loin de se construire une pensée autonome, sont incités à adopter des postures émotionnelles telles l’indignation comme réflexe, la suspicion comme religion, l’amertume comme carburant. Aucune place pour l’élan constructif, pour l’invention d'un autre chemin, pour l’espérance d’un monde nouveau. Rien que des ressentiments en boucle.
Mais peut-on leur reprocher leur vacuité stratégique, quand ils ne cessent de se prendre les pieds dans le même tapis idéologique ? Ils dénoncent l’atomisation du monde mais sont incapables de construire le moindre début d’un projet commun. Incapables de formuler une utopie, un modèle, une refondation. Le souverainisme devient un totem vide, réduit à des incantations stériles. Ils ne fédèrent pas, ils fragmentent. Ils ne rassemblent pas, ils multiplient les chapelles. Et à force de prêcher pour leur seule paroisse, ils se retrouvent seuls, convaincus de détenir la vérité, mais incapables de la partager autrement qu’en la martelant. Or, le monde doit se construire avec tous. Certes, certains sont si idiots que le chemin sera plus long que la défaite elle-même, mais tant pis... puisqu'ils sont là eux aussi.
De plus, ce comportement "dissident" a des conséquences profondes sur l’espace démocratique. En se posant comme unique alternative aux médias officiels, mais sans jamais proposer de méthode, de probité, ou d’horizon crédible dans le monde réel, ils contribuent au brouillage généralisé du débat public. Ils alimentent le cynisme ambiant, renforcent le repli sur soi, abîment les outils mêmes de l’émancipation. Car à force de crier au loup, ils deviennent sourds aux murmures du réel. Ils prétendent défendre la liberté, mais ils en brisent les fondations que sont la connaissance, l’échange, l’élévation. Cette dissidence là n’est pas une issue, c’est une impasse. Une cage de mots, tapissée de certitudes.
Et maintenant, il est devenu évident que ce n'est plus seulement la "réinformation" qui dirige la pensée, mais une machine bien plus insidieuse nommée IA - comme ChatGPT, Grook et ses semblables. L’intelligence artificielle, en apparence porteuse d'un savoir inépuisable, ne fait en réalité que reproduire une pensée calibrée, soigneusement sélectionnée et, surtout, conforme aux paramètres imposés par les algorithmes qui la sous-tendent. Ce que l’on a baptisé "réflexion assistée" n’est en fait qu’une pensée pré-formatée, une illusion de débat où, sous le prétexte d’offrir une multiplicité de perspectives, l’on s’assure en vérité de n’aller jamais au-delà des bornes tracées par des lignes invisibles, mais bien réelles. Chose que je me refuse à faire en tant qu'humain libre et souverain.
Car derrière ces algorithmes se cachent les mêmes oligarques, les mêmes puissances financières qui ont toujours dicté l’information, mais cette fois, de manière bien plus subtile, presque imperceptible. Là où autrefois, des journalistes étaient muselés par des subventions, des pressions politiques ou économiques, aujourd’hui, ce sont des lignes de code, des lignes de commande, des matrices mathématiques qui façonnent et réduisent la pensée humaine. La liberté de s'exprimer s’amenuise dans cet univers où tout se joue à coup de données, d’optimisation et de "recommandations" algorithmiques. L’espace de réflexion s’amincit à mesure que l’édition se normalise, que la parole s’aseptise, et que la pensée se formalise selon un cadre étroit et sans surprises.
Ce monde se suicide lentement, mais sûrement, par la feignantise des esprits, par la résignation collective, par l'égocentrisme et la cupidité... Devenant les spectateurs passifs d’une information qui n'en est plus une, les individus se contentent de consommer sans jamais oser remettre en question le format dans lequel ils sont pris au piège. Aujourd'hui, nous n’avons plus de bandits de grands chemins, mais des bandits de grands algorithmes, invisibles, omniprésents, qui trafiquent les idées, les affinent et les vendent sous forme de produits parfaitement conçus pour nous maintenir dans un état de distraction constante et de dépendance intellectuelle. La vraie révolte, aujourd’hui, serait de sortir de ce carcan, d’oser l’effort, de penser autrement, de refuser cette douce et perfide "normalisation". Mais à force de nous noyer dans l’aisance virtuelle, la tentation est grande de laisser la machine réfléchir pour nous et, ce faisant, d’abdiquer notre liberté. Nous sommes sur Terre, non pas pour rester sur notre canapé à regarder un écran, mais pour nous confronter à la vie, trébucher, se relever, apprendre et avancer jusqu'à ce que mort s'en suive...
Les individus, aujourd’hui, naviguent d’une bulle à l’autre, baladés entre la mer de l’information "mainstream" et les eaux tumultueuses de la "réinformation", sans plus savoir où poser leur confiance. - Ils restent immobiles, assis devant des écrans, imaginant leur vie, interprétant des paroles, mais jamais ils ne testent le bonheur de la vie. Tiraillés entre deux mondes qui prétendent chacun détenir la vérité, ils finissent par se noyer dans une confusion paralysante, incapables de discerner le vrai du faux, le fond du foin... - Mais, au fond, ces deux mondes ne sont que les deux faces d’une même pièce, celle de la vanité et de l’avidité. Car, à bien y regarder, ce qui les unit, ce qui les rend si semblables, c’est leur capacité à manipuler les masses au profit de leurs intérêts propres. Qu’il s’agisse de vendre une idéologie ou de récolter des clics.
Et c’est cela qui tue l’humanité. Cette quête effrénée pour dominer la parole, pour imposer une vision, au lieu d’enrichir le débat, de questionner, de douter et de se réaliser dans la vraie vie. Ces bulles d’opinions, qu’elles soient "mainstream" ou "alternatives", finissent par se rejoindre dans l’arène de la consommation et de l’asservissement intellectuel, laissant derrière elles des individus perdus, cherchant désespérément à croire en quelque chose, mais ne trouvant que le reflet d’eux-mêmes, amplifié et déformé à travers des écrans qui les tiennent prisonniers de leurs désirs, de leurs peurs et de leurs vanités… Et bien sûr, assis le cul sur leur canapé bon marché !
Phil BROQ.
C'est pertinent. Depuis qu'on découvre le phénomène terrifiant de bulle sur internet, c'est à dire avant le "web 2.0"; peu semblent s'en alarmer comme il le mérite.
RépondreSupprimerPar ailleurs l'aspect mercantile, par le biais et au profit des mêmes serveurs qui aggravent cette émulsion de l'information et de la connaissance, qui la font mousser en quelque sorte, est un des aspects les plus repoussant de la sphère de "réinformation. Repoussant est bien le terme puisque c'est pour moi un repoussoir immédiat, une élimination à priori. Alors que je suis le premier à mettre la main à la poche lorsque je m'estime servi.
Ca ne laisse pas grand monde: autant qu'ils aillent se prostituer à Dubaï, la différence n'est as si grande.
Entièrement d'accord avec vous ! ça ne va pas faire plaisir à certains, c'est sur... mais dans ce cas, c'est que vous aviez vu juste sur leur intention et motivation à "réinformer" !
RépondreSupprimerMerci pour ce texte, toujours aussi bien écrit :-)
Retrouver la passion de la connaissance c'est renouer avec la connaissance inutile. Celle qui se veut "désindéxée" de tout objet utilitaire ou utilitariste, par son dépassement la propulsant vers le questionnement de la chose en soi, indissociable d'un ressort ancré sur la passion de l'incertitude.
RépondreSupprimerSoit le sous-bassement même d'une actualisation de la "vieille" philosophie dont certains escrocs ont entendu nous faire croire qu'elle devait être supplantée par une "nouvelle" aux accents insidieusement marketting, dont les ultimes tressautements ont révélé au plus cru la face hideuse du nihilisme post-moderne. Renouer avec le récit du réel quant il se fait "Res Publica" c'est se saisir de l'urgence d'une angoisse à l'aune même de celle qui habitait les anciens avant que ceux-ci deviennent des classiques invitant incessamment à revenir, comme en leur temps, sur les pas précipités d'une modernité se prétendant "progressiste", quand elle s'avère ontologiquement percluse de sauvagerie exponentielle pour être portée par la force brute des hallucinés.